Pourquoi vouloir développer et structurer une filière locale de sarrasin ?

Avancement du projet et perspectives

Contexte

Fin 2015, le PNR de Millevaches a initié un nouveau dispositif expérimental : l’Atelier Permanent d’Innovation (API) dont l’objectif est de favoriser l’émergence de projets économiques innovants, répondant à des besoins du territoire et valorisant les ressources locales. Le premier sujet dont s’est saisi l’Atelier est celui du développement d’une filière sarrasin sur le territoire.
Basé sur le partenariat et la coopération entre des acteurs diversifiés, cet API offre un cadre et une méthode pour travailler sur des thématiques identifiées en amont par le Parc, ses partenaires ou par tout acteur du territoire.

Le Limousin, ancienne terre de sarrasin :

Alors que le sarrasin a constitué pendant des siècles avec le seigle, la base du régime alimentaire des Limousins, sa culture a été progressivement abandonnée après la seconde guerre mondiale. En effet, avec la diversification de l’alimentation, les débouchés de la farine de blé noir se sont progressivement amoindris et cette culture peu productive a été délaissée au profit de systèmes de productions plus intensifs.

Parcelle de sarrasin

Un potentiel de consommation encourageant :

Cependant depuis quelques années, le sarrasin revient en force dans l’alimentation car contrairement aux céréales comme le blé, il ne contient aucun gluten. La consommation de produits sans gluten est en forte hausse (+40% en 2014, + 30% en 2015) et hormis la farine, on trouve aujourd’hui de nombreux produits à base de sarrasin. De fait, la France est actuellement déficitaire sur cette production, notamment sur le marché du bio, et elle importe 50% de sa consommation (essentiellement des pays de l’Est).
Le potentiel en termes de débouchés pour le sarrasin produit sur la Montagne Limousine est donc encourageant, d’autant que cette culture est parfaitement adaptée à ses terres pauvres et acides et qu’elle possède des propriétés agronomiques à redécouvrir et à promouvoir (excellent engrais vert, caractère nettoyant, faible consommation d’azote…). L’appartenance de cette plante au patrimoine culturel et agronomique local, est également un atout, pour travailler à une forte identité territoriale de la production.

Présentation du projet :

Une filière locale à relancer pour développer l’économie locale mais pas seulement :
Même si la culture du sarrasin demande très peu d’investissement et que le prix à la tonne est particulièrement attractif pour les producteurs depuis quelques années (entre 450 et 500€/T en conventionnel et jusqu’à 900€/T en bio), l’intérêt du blé noir n’est pas qu’économique. Cette plante a également des qualités agronomiques intéressantes qui méritent d’être redécouvertes et promues :
C’est une culture adaptée aux terres pauvres et acides de la Montagne Limousine,
Elle possède des propriétés agronomiques intéressantes : excellent engrais vert en inter-culture grâce à son cycle végétatif très court facilement intégrable dans une rotation, caractère nettoyant (notamment sur des défriches de landes ou de prairies), faible consommation d’azote qui n’appauvrit pas le sol et constitue un bon précédent pour d’autres céréales,
Elle participe au maintien de la biodiversité grâce à ses propriétés mellifères. La fécondation des fleurs de sarrasin argenté se fait grâce à des agents extérieurs à la plante, notamment des abeilles. Le développement des cultures de sarrasin dont la floraison est tardive constitue ainsi, une ressource de nectar et de pollen pour les abeilles tard en saison.
Elle appartient au patrimoine culturel et agronomique régional,

Parcelle de sarrasin
Sarrasin en fleurs

Une filière qui répond aux enjeux d’avenir en matière d’activité agricole sur le territoire du Parc :
• Diversification des productions et des revenus pour les agriculteurs,
• Transformation locale des productions afin de générer de l’activité économique sur le territoire et donner une plus-value à la production,
• Expérimentation sur la recherche d’assolements adaptés aux cultures de céréales de montagne, pour une plus grande autonomie des exploitations agricoles.
Le Parc s’est associé sur ce projet avec la Communauté de communes Creuse Grand Sud, elle-même engagée dans une stratégie de relocalisation de la consommation alimentaire. La volonté commune est d’encourager le développement et la structuration d’une filière courte sarrasin.

Bilan des actions mises en œuvre

Un état des lieux de la filière effectué fin 2015 par le PNR a permis d’amorcer le projet et de mobiliser lors de 2 rencontres (février et avril 2016) une vingtaine d’acteurs : producteurs, transformateurs et organismes stockeurs.
Ces 2 réunions ont permis de confirmer l’intérêt des acteurs pour le projet et de définir les actions prioritaires à mettre en œuvre, à savoir : le développement de la production de sarrasin sur le territoire et les savoir- faire qui y sont liés afin d’optimiser la qualité de la production
Le PNR a donc accompagné la constitution d’un groupe de producteurs et mis en place avec eux différentes actions sur les campagnes 2016, 2017 et 2018.
Sur ces 3 campagnes les actions mises en place avaient pour objectifs de :
-  Favoriser les bonnes pratiques culturales afin d’améliorer la qualité du sarrasin produit localement (suivi de parcelles, élaboration et diffusion d’un « itinéraire technique » par les producteurs, parrainage de nouveaux producteurs)
-  Engager une réflexion avec tous les acteurs sur les outils de proximité à développer pour permettre le tri, le séchage, éventuellement le stockage du grain après la récolte et de faciliter ainsi sa vente.
-  Identifier de nouveaux débouchés pour commercialiser le sarrasin de Millevaches sans intermédiaires,
-  Communiquer, promouvoir le sarrasin de Millevaches, travailler à son identité territoriale marque "valeur Parc".

Actions mises en œuvre

-  Elaboration et diffusion d’une fiche itinéraire technique sur la culture du sarrasin
Cette action a été confiée à la FRCIVAM du Limousin qui a accompagné les producteurs dans l’élaboration d’un itinéraire de culture à partir de leurs pratiques. La fiche a été diffusée à tous les producteurs souhaitant démarrer la culture, dans le réseau »agriculture de moyenne montagne » de la FRCIVAM et les différents groupes de producteurs accompagnés, par la Chambre d’agriculture de la Creuse, à toutes les communes du Parc et elle a fait l’objet d’une importante communication par le Parc : medias, dossier de presse, information sur le site internet, page facebook…
-  Organisation de rencontres régulières de producteurs animées par le Parc en partenariat avec la Communauté de Communes Creuse Grand Sud et à partir de 2018 en collaboration également avec la Chambre d’Agriculture de la Haute-Vienne.
-  1 rencontre entre producteurs et acheteurs de Nouvelle Aquitaine organisée en partenariat avec Interbio Nouvelle Aquitaine en avril 2017.
L’objectif de cette rencontre était de permettre aux producteurs de rencontrer de potentiels acheteurs de sarrasin (coopérative, société de courtage) pour leur récolte 2017. En effet un des objectifs fixés avec eux, pour la campagne 2017 était de commercialiser leur récolte ensemble, sans recourir aux intermédiaires habituels. Cette rencontre a aussi permis aux producteurs de prendre connaissance des cahiers des charges et des exigences de chaque acheteur.
-  Mise en place de demi- journées « bout de champ » animées par la FRCIVAM en 2017 puis par les Chambres d’agriculture en 2018.
Ces demi-journées correspondent à des visites de parcelles de sarrasin chez un producteur impliqué dans le projet. Leur objectif est de permettre aux producteurs (anciens/ nouveaux) d’échanger autour de leurs pratiques culturales. Elles permettent également de capitaliser des observations sur la culture et son adaptation aux aléas climatiques.
-  Mise en place de suivis agronomiques de parcelles sur 2 exploitations réalisée par la Chambre d’agriculture de la Creuse et de la Corrèze.
Le partenariat engagé avec les Chambres d’agriculture a permis de mettre en place des suivis agronomiques de parcelles sur deux exploitations (analyse de la relation entre les modalités de travail du sol et le rendement final, entre les modalités de travail du sol et l’impact carbone de la culture, entre le temps de travail et le coût de production final de la culture).Ce suivi a apporté des éléments techniques et donné des pistes pour adapter et améliorer les pratiques des producteurs.
-  Mise en place d’un test de structuration des producteurs pour mutualiser le tri, le séchage et la commercialisation du sarrasin (9 producteurs engagés).
L’expérience a consisté à ne pas avoir recours à l’opérateur marchand habituel pour le tri, le séchage et la commercialisation du sarrasin mais à définir une organisation pour réaliser ces opérations en s’appuyant sur des outils existants déjà sur 2 des exploitations engagées dans la démarche (trieur séchoir). Le grain a pu ensuite être stocké sur le site de tri. Malgré un décalage entre l’organisation prévue avec les producteurs et l’organisation effective, le test a assez bien fonctionné et a permis de commercialiser l’ensemble des volumes produits à un seul acheteur.

Séchage de sarrasin

En 2017, 53 ha de sarrasin ont été semés (surfaces comprises entre 1 et 16 ha) par les producteurs engagés dans le projet. Sur ces 53 ha, 34 ha ont été moissonnés pour un volume de sarrasin total de 55 tonnes (rendement moyen de 16 quintaux/ha). Le volume total commercialisé a été de 36 T, certains producteurs souhaitant garder une partie de leur récolte (semences, alimentation des animaux).
En 2018, les prévisions de surfaces à semer en sarrasin par le groupe de producteurs s’élevaient à 81 Ha mais les conditions météorologiques (pluies abondantes en mai/juin) ont empêché le semis de la totalité des parcelles prévues. Au final ce sont 72 Ha qui ont été semés. La campagne 2018 en termes de rendement a été très mauvaise à cause de la sécheresse prolongée. Sur de nombreuses parcelles, les fleurs ont coulé, ne produisant pas de grains. Au final environ 60 ha ont été moissonnés pour un volume total collecté de 56.5 (rendement moyen de 9.4 quintaux/ha). On retrouve ici une des caractéristiques de la culture du sarrasin : le côté aléatoire des rendements liés aux aléas climatiques.

Fin 2017, les producteurs ont souhaité gagner en autonomie et en organisation. Ils ont décidé de se structurer juridiquement sous forme d’association ou de GIE/ GIEE. L’objectif de cette démarche étant de faciliter la commercialisation et les investissements pour disposer sur un même site d’un trieur, d’un séchoir et d’un espace de stockage. Cette structuration devant aussi contribuer à une meilleure visibilité du projet auprès de nouveaux producteurs et d’éventuels financeurs, en accord avec eux, il a été décidé, de ne pas chercher à recruter de nouveaux producteurs tant que cette structuration juridique ne serait pas effective.
Pour avancer sur les aspects techniques du projet le Pnr, associé à la Communauté de communes Creuse Grand Sud a engagé début 2018, un partenariat avec la Chambre d’Agriculture de la Haute-Vienne qui dispose de conseillers spécialisés sur l’accompagnement à la structuration de filière de groupes de producteurs. Au printemps 2018, les 3 structures ont élaboré une feuille de route pour 2018/ 2019 et signé une convention de partenariat tripartite. Celle-ci définit la répartition des missions entre les 3 structures afin de proposer aux producteurs un accompagnement technique pour avancer dans la structuration de la filière (production d’un sarrasin de qualité ; création d’une structure juridique support, maitrise de la valorisation du produit).
La Chambre d’Agriculture de la Haute-Vienne avec l’appui des compétences du réseau « Chambres d’Agriculture » :
-  a poursuivi le travail avec le groupe de producteurs sur les aspects techniques de la production (essais culturaux, suivi agronomique de parcelles étendu à une exploitation par département, échanges de pratiques, capitalisation des connaissances sur le sarrasin et le développement des savoir-faire) : 2 demi-journées « bout de champ » ont été animées et 2 essais culturaux mis en place par les techniciens des chambres de la Corrèze et de la Creuse.
-  a amorcé une réflexion avec les producteurs sur la formalisation de leur engagement et leur structuration juridique  : apport de connaissances sur les différents statuts juridiques possibles (association, GIEE), élaboration d’une formation à destination des producteurs pour identifier les risques liés à la rentabilité du projet et mettre en place un plan stratégique, s’approprier les atouts et contraintes des différentes structures juridiques. 2 réunions de travail avec le groupe de producteurs (avril et septembre), en partenariat avec le Parc. Le choix du statut juridique interviendra en 2019 après la formation qui est prévue au 1er semestre 2019.

Le PNR a quant à lui poursuivi la coordination du projet dans sa globalité et a été particulièrement actif sur :
-  l’appui à la commercialisation de la récolte 2017 : coordination acheteur/ producteurs sur l’analyse des échantillons de sarrasin, relance des producteurs sur les aspects logistiques et administratifs : enlèvement des lots, fournitures des documents de certification…
-  L’achat groupé de semences de sarrasin par les producteurs pour la campagne 2018 (1.6 T de semences achetées en commun) : lien avec le fournisseur de semences, appui à la facturation individuelle.
-  La communication sur le projet : médias, animations sur le site de la Maison du Parc (août et octobre)
-  La mise en place d’une expérimentation de bière au sarrasin en partenariat avec une brasserie de Corrèze. Suite à la mise en place d’un test de maltage fin 2017, deux brasseurs creusois avaient été démarchés pour effectuer un test de bière au sarrasin mais ceux-ci n’ayant finalement pas donné suite c’est la brasserie des Anges à Chamboulive qui s’est lancée dans l’expérimentation. Le résultat du test sera connu début 2019.
-  Sur l’aspect transformation : plusieurs contacts ont eu lieu courant 2018. Rencontre en février avec 2 porteurs de projets belges qui souhaitent venir s’installer sur le Parc et créer un atelier de transformation de sarrasin bio, à Bugeat (farine, pâtes, sarrasin décortiqué et torréfié). Ce projet reste à préciser (type de transformation, débouchés, investissements) et le Parc les a orienté sur des structures qui peuvent les accompagner dans ce sens (montage, études, financements…). Contact avec l’association « Bâtir en balles ». Cette association née dans le Sud Est travaille sur la création d’une filière de matériaux d’isolation à partir des balles de céréales pour professionnaliser l’usage des balles dans le bâtiment. En Bretagne certains moulins valorisent déjà leurs cosses de sarrasin pour du paillage horticole (250€/T). Un autre débouché possible mais qui représente de faibles volumes pour le moment serait l’utilisation de cosses de sarrasin pour le remplissage de coussin. Cette piste sera à explorer si les producteurs décident d’investir dans une décortiqueuse.
-  La poursuite des échanges avec Interbio Nouvelle Aquitaine dans la perspective d’une future structuration amont-aval de la filière. En effet si les producteurs se constituent en GIE ils pourraient via l’appel à projet régional « soutien aux actions de développement de l’agriculture bio en NA », contractualiser avec un transformateur en NA et bénéficier d’aides (prestations de conseil juridique ; frais de communication ; frais salariaux etc..). Cette piste devra être approfondie si le GIEE est créé en 2019.

Moisson du sarrasin

La Communauté de communes Creuse Grand Sud a quant à elle participé à définition du programme d’actions et à sa mise en œuvre.

Le développement et la structuration d’une filière est une démarche sur le long terme. En effet créer une dynamique de groupe et des pratiques de coopération entre agriculteurs prend du temps. De nouveaux producteurs qui n’avaient jamais cultivé de sarrasin ont rejoint le groupe et certains producteurs sensibilisés au projet en 2016, n’ont pas souhaité s’impliquer dans le développement de la filière, préférant gérer leur production de façon individuelle. Ces trois années ont servi à créer une véritable dynamique de groupe en permettant aux producteurs de se connaître, de travailler ensemble, d’échanger sur leurs pratiques et de les améliorer, d’expérimenter la mutualisation d’outils et de certaines opérations. Elles ont permis de mobiliser autour du projet une diversité de partenaires : CCCGS, Chambres d’agriculture, Interbio Nouvelle Aquitaine. La communication mise en place a par ailleurs permis de faire connaître le projet et de nombreux medias au cours des deux années ont relayé le projet. De même des agriculteurs prennent régulièrement contact avec les services du Parc pour avoir des informations sur la culture du sarrasin, connaître les débouchés possibles etc…

Le projet doit donc être poursuivi et les producteurs accompagnés afin de devenir les porteurs du projet en se structurant juridiquement et en définissant le dimensionnement qu’il est possible de donner à cette filière : potentiel de production de sarrasin bio sur le territoire, potentiel de valorisation de la production , type de structuration collective, acteurs à impliquer, fonctionnement…
Le travail sur les types de transformation possible localement qui a juste été ébauché doit être approfondi pour savoir si des activités économiquement viables peuvent être envisagées et des porteurs de projets identifiés.

Modalités de fonctionnement et partenariats engagés :
Pour développer ce projet, le Parc a fonctionné en mode partenarial et collaboratif avec des acteurs, issus de différents horizons et disciplines que ce soit au niveau local, régional ou national :
avec la Communauté de communes Creuse Grand Sud, elle-même engagée dans une stratégie de relocalisation de la consommation alimentaire. La chargée de mission « construction d’offres d’activité nouvelle » de la Communauté de communes Creuse Grand Sud est venue en appui sur la préparation et l’animation de certaines actions.
avec les Chambres d’agriculture, la FRCIVAM, sollicités sur l’accompagnement spécifique de certaines dimensions du projet.
avec Interbio Nouvelle Aquitaine, dans le cadre de sa commission « grande culture », cette structure s’intéresse au développement d’une filière sarrasin bio et est intervenue auprès des producteurs sur les aspects concernant le marché du sarrasin au niveau national. Elle a également faire le lien entre les producteurs du PNR et les opérateurs-transformateurs bio de la Nouvelle Aquitaine, potentiellement intéressés par le sarrasin produit localement.
avec la Fédération des Parcs et Mairie Conseils qui accompagnent le PNR dans le cadre de ce projet.

L’élu référent ayant suivi le projet est Jérôme Orvain, Conseiller Régional rattaché à la Vice-Présidence– Agriculture, agroalimentaire, forêt, mer et montagne et Vice- Président du Parc.

En téléchargement :
- Fiche itinéraire technique
- Fiche agronomique (Chambre Agriculture 23)
- Fiche « essais de variétés sarrasin 2019 »

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